Text:August Lustig/A. Lustig Sämtliche Werke: Band 1/Dimanche.

Mai 1874.

Dimanche, quel plaisir ! c'est Dimanche aujourd'hui !
Connaissez-vous ce jour heureux ? Eh bien c'est lui
Que l'on attend sans cesse avec impatience
Et qui tous les sept jours si lentement s'avance.
Si par hasard, des fois, un jour de fête rare
Survient dans la semaine, ah ! comme on s'en empare !
Pourquoi la rareté d'un fait si admirable ?
Voudrait-on me le dire ? on serait bien aimable.
Voyez cet équilibre, et jugez, paresseux :
D'un côté : six, de l'autre : un, bien rarement deux.
Six jours pour les besoins vulgaires, corporels !
Un seul pour les besoins nobles, spirituels !
C'est mal, vous le voyez ; si l'homme est en arrière.
C'est qu'il est surchargé, c'est qu'il a trop à faire !
Et dire que jamais on n'y peut rien changer,
Parce que sur la terre il faut, hélas !.. manger !
Manger ! quel mot mesquin, dégradant et petit,
Et pourtant plus puissant que tout autre appétit !
Nous sommes obligés souvent, par ses besoins,
De fournir le travail qui nous sourit le moins.

Un tel, avec du goût pour les arts, la peinture,
Ne rêve que tableaux, admire la sculpture,
Il aurait pu un jour, bien chère ambition,
En suivant ses penchants arriver au salon.
Mais il fallait manger ! et ces horizons roses
Se sont modifiés depuis, par bien des causes !
Car il fallait manger ! il fallait d'abord vivre ;
Lancé dans un courant, il a fallu le suivre,
Et loin de ses idées, le commerce est peut être
Ce courant qui l'entraîne. - Etudier, connaître
Des choses sans attraits, sans intérêt pour lui,
Voilà ce qui remplit ses journées d'aujourd'hui !

Un autre aimait beaucoup musique et poésie
Il leur aurait voué bien volontiers sa vie.
Savez vous ce qu'il fait ? Il redresse les torts
Que la nature a fait aux vivants et aux morts.
Aux uns il rapetisse ou redresse la bouche,
Il arrange les yeux à celui-là qui louche,
Il guérit les boutons, les taches de rousseur. -
L'avez-vous deviné ? Ce n'est qu'un retoucheur ?
Enfermé comme il l'est du matin jusqu'au soir
Travaillant sans relâche, il n'a qu'un seul espoir.
C'est son Dimanche aimé.

Quel plaisir quand il vient
Ce beau, cet heureux jour ! - Alors on s'appartient !
On transforme sa chambre en salon de lecture,
Conservatoire, ou bien atelier de peinture,
Le soir on se promène, on va dans la forêt,
Admirer la verdure en haut près du chalet,
Et puis après souper on prend l'indicateur,
On traverse la Suisse entière avec bonheur.
En rentrant du voyage on baille en s'écriant:
Ah ! c'est demain lundi, que c'est donc ennuyant !